Archives du Cantal

Girouettes illicites à Murat (23 décembre 1680)

Regardant tantôt à l’est, tantôt à l’ouest, je tourne et danse au gré du vent sans jamais m’envoler. Je suis… la girouette. 

Objet décoratif plus qu’informatif aujourd’hui, la girouette se rencontre sous toutes les formes et surtout sur tous les toits, de l’église à la simple cabane. Or, cette liberté de posséder une girouette, qui semble aller de soi aujourd’hui, est l’un des nombreux acquis de la Révolution française : elle est proclamée le 13 avril 1791. 

S’il est vrai que ces instruments de mesure du vent, pour élémentaires qu’ils soient, permettaient à tout un chacun de prédire, à partir de la direction du vent, le temps qu’il ferait le jour suivant, cela ne signifie pas pour autant que quiconque pouvait avoir sa propre girouette. C’est ce qui amène un « quidam » à dénoncer, par le biais d’un acte de notoriété déposé auprès du juge ordinaire royal de la vicomté de Murat, « les particuliers de ceste ville et vicomté de Murat, possédans de maizon en rotture, [qui] ont au faiste de leurs maizons des giroettes ». Nous sommes le 13 novembre 1680.

Sans que l’on puisse remonter à la source exacte de cet usage, la girouette s’impose dès le Moyen Age comme un privilège accordé pour services rendus et réservé à la noblesse. A la manière dont on plante sa bannière au sommet d’une terre ou d’un château conquis, les chevaliers arboraient leur girouette en haut de leurs tours ou donjons. De forme pointue ou carrée en fonction de leur rang (les seigneurs bannerets, plus haut placés, arboraient un fanion carré rappelant leur bannière), les girouettes pouvaient être peintes et exhiber les armoiries de leur propriétaire. 

Les édifices religieux échappaient à cette règle. Comme on peut encore le voir aujourd’hui, ils étaient ornés de girouettes en forme de coq. Il ne faut pas voir là un symbole patriotique (le latin gallus signifie à la fois « coq » et « Gaulois ») puisque c’est le pape Nicolas Ier qui préconisa son installation en haut des clochers des cathédrales et des églises, au IXe siècle. 

Rapidement, l’usage des girouettes se généralise parmi la noblesse et devient, outre une marque de rang social, un attribut de haute justice arboré par les seigneurs au même titre que les tours, créneaux et pont-levis. Ainsi, ces symboles de prééminence ne pouvaient être affichés par des roturiers. 

Pour donner suite à l’acte déposé auprès de son tribunal, le juge de la vicomté de Murat se tourne vers le seigneur haut-justicier censé empêcher la pose illicite de girouettes, Jean-Antoine de Lastic, seigneur de Sieujac et prieur de Bredons. Celui-ci répond en présentant au juge la requête que vous avez sous les yeux : on aurait tort de lui reprocher d’être négligent, car lui-même poursuit en justice ses vassaux coupables d’arborer des girouettes. Pour preuve, il est actuellement en procès contre l’un d’eux devant le Parlement de Paris. En revanche, il refuse d’intervenir dans l’affaire des habitants de Murat, tout simplement parce que la ville relève du roi de France. Ce fait est confirmé par dix avocats et procureurs de la juridiction de la vicomté de Murat, qui apposent leur signature à la fin de l’acte. 

Les habitants de Murat n’auront donc pas affaire à l’abbé de Bredons pour cette fois. En revanche, Jean-Antoine de Lastic et son frère achètent, dix-sept ans plus tard, la vicomté de Murat au roi. On peut supposer qu’à partir de cette date, il regardera les girouettes murataises d’un autre œil…

7 H 4

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