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L’exil des Républicains espagnols dans le Cantal : itinéraire de la famille Raurich-Farnos, grands-parents maternels d’Eric Cantona

L’exil des Républicains espagnols dans le Cantal : 

itinéraire de la famille Raurich-Farnos, grands-parents maternels d’Eric Cantona

Le 26 janvier 1939, la ville de Barcelone est prise par les troupes du Général Franco. Deux jours plus tard, la France ouvre la frontière aux personnes fuyant la victoire des nationalistes. Près de 450 000 Espagnols quittent le pays ; la Retirada, retraite en Castillan, est l’une des plus importantes vagues de réfugiés.

Pédro Raurich Ventura et sa femme Francesca Farnos Treig, font partie de ces réfugiés. Le 7 ou 9 février 1939, ils passent la frontière à Cerbère. Le couple est tout d’abord interné, comme beaucoup de leurs compatriotes, dans le camp de Saint-Cyprien, puis dans celui d’Argelès-sur-Mer. Ces deux camps, comme celui du Barcarès, sont créés dans la plus grande improvisation directement sur les plages par les autorités. De nombreux autres camps d’internement ouvrent entre 1939 et 1941, à Rivesaltes, Septfonds, Vernet, Gurs etc.

Les conditions de vie y sont catastrophiques, les réfugiés sont sans cesse déplacés. La priorité, pour eux, est de sortir de cet univers d’enfermement. Quatre possibilités s’offrent à eux : le retour en Espagne ; une nouvelle émigration, notamment au Mexique, qui accueille les Républicains dès février 1939 ; l’engagement militaire ou l’embauche extérieure.

Sans tarder, le gouvernement français réagit. Une circulaire du ministère de l’Intérieur du 5 mai 1939 incite à employer les nouveaux venus, arguant qu’il s’agit de « transformer cette masse inorganisée et passive que constituent ces réfugiés en éléments utiles à la collectivité nationale ». Aussi dès le début du mois, des propriétaires du Midi recrutent des ouvriers agricoles dans les camps. Dans le même temps, des déplacements collectifs de réfugiés s’effectuent dans le cadre des camps de travailleurs étrangers (CET) qui deviennent, en septembre 1940, des groupes de travailleurs étrangers (GTE). Les réfugiés y sont affectés pour des grands travaux de défense nationale, à l’aménagement de certains camps militaires, mais aussi employés dans l’aéronautique, le génie, les eaux et forêts. Les entreprises vont puiser directement dans ces camps la main d’œuvre dont elles ont besoin, tel que les houillères de Decazeville ou bien encore l’entreprise Ballot, qui demande l’autorisation au Préfet du Cantal de faire venir 118 Espagnols pour la construction du barrage de l’Aigle.

Pédro Raurich est quant à lui affecté avec 39 autres Espagnols à la construction du barrage hydroélectrique de Saint-Etienne-Cantalès. Maçon, il est transféré dans le Cantal pour travailler dans l’entreprise André Borie, le 11 février 1940. Il est incorporé au 401e GTE basé à Laroquebrou, employant majoritairement des travailleurs espagnols.

Au 1er octobre 1942, le Cantal totalise 1218 internés, surtout espagnols et polonais, répartis en quatre camps : le 401e GTE de Laroquebrou pour la construction du barrage de Saint-Etienne-Cantalès ; le 417e à Aurillac où les travailleurs sont affectés au bucheronnage, à l’agriculture, aux mines et à l’industrie ; les 431e et 864e GTE à Mauriac pour la construction du barrage de l’Aigle. Ces nombreux travailleurs participeront de manière active à la Résistance durant les années d’Occupation. Ainsi, au barrage de l’Aigle, un groupe de 75 Espagnols fera partie de l’organisation de résistance de l’armée (ORA).

Par ailleurs, Francesca Treig, restée à Argelès, obtient l’autorisation du Préfet du Cantal de rejoindre son mari au mois de mars 1940. Le regroupement familial est en effet consenti si les ressources du couple sont suffisantes : Pedro Raurich ne résidant alors plus en cantonnement mais louant un appartement à Laroquebrou, il peut désormais accueillir son épouse. Ils déménagent par la suite à Saint-Gérons, puis à Saint-Etienne-Cantalès.

C’est au cours de ce séjour dans le Cantal que naissent trois de leurs quatre filles : Olga, Léonor (qui donnera naissance à Eric Cantona) et Neves.

Le 23 mars 1945, Pédro est, comme de nombreux réfugiés, élargi par la Commission départementale de libération des travailleurs.

Il part alors avec sa famille s’installer à Marseille au cours des mois suivants.

Cotes ADC : 1 W 229-1, 1 W 229-2 et 3 SC 7529

Sources :

Le Cantal de 1939 à 1945, les troupes Allemandes à travers le Massif central, Eugène Martres, 1993 ;

L’exil des Républicains espagnols en France, de la Guerre civile à la mort de Franco, Geneviève Dreyfus-Armand, 1999.

Note rédigée par Laure BARBET

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